La pédagogie de la miséricorde
Le Coran est constitué de 6632 versets. 250 seulement parmi ces milliers de versets tiennent du domaine de la législation, soit environ 3% du Coran. Ce faible pourcentage n’est pas une lacune mais une omission volontaire de Dieu, omission qui a un sens majeur. Elle exprime la volonté divine de ne point verrouiller les pratiques et de laisser l’opportunité au fidèle d’utiliser ses neurones, cet autre don qu’Il lui a fait.
La Sounna est venue compléter le Coran en instaurant un modèle de pratique. Elle est venue parfaire les grandes lignes qui protègent des dérapages et ériger des garde-fous empêchant l’homme de dépasser les limites instaurées par Dieu afin de préserver son essence à l’homme. L’islam est un contrat de confiance avec Dieu et les limites rouges (fort peu nombreuses d’ailleurs) qu’il trace sont acceptées comme autant de clauses d’un contrat de soumission avec un Créateur qui en sait plus que nous sur notre nature.
Le Prophète (paix et salut à lui) a procédé avec la Grâce de Dieu à une médiation entre le divin et l’humain, entre le ciel et la terre, entre le transcendant et le naturel. Son essence faite de bonté et de compassion est un tampon permettant à l’exigence de la transcendance d’être tempérée en une pratique à la portée de la faiblesse de l’homme. Tout ce qu’il avalisa allait dans le sens divin puisque lui-même est un don de Dieu, une main tendue divine personnifiée en un corps humain, en un cœur humain.
Le Coran dit :
« Par ton Dieu, ils ne seront fidèles que s’ils te prennent pour juge de leurs différends et ne trouvent pas de dépit dans leur cœur quant à ce que tu auras décidé. »
Beaucoup parmi les musulmans pensent que ce verset est restrictif alors que c’est le garant d’une attitude médiane, tempérée et accessible. C’est méconnaître profondément la Sounna et ses effets bénéfiques sur la communauté que de les interpréter dans un sens prohibitif. Les faits relatés concernant la vie du Prophète (paix et salut à lui) démentent cette impression qui n’est justifiée que dans la mesure où les préceptes issus des exégèses superficielles sont confondus avec les enseignements du Prophète (paix et salut à lui).
Les spécialistes de la Sîra rapportent que le Prophète rappelait souvent à leur humanité les Compagnons qui faisaient de l’excès de zèle. Plusieurs fois il dut rappeler que l’islam ne prônait pas d’auto-flagellation et de restrictions concernant les penchants naturels. Le Messager (paix et salut à lui) nous enseigna que l’islam n’interdisait pas à l’homme d’être à l’aise dans son humanité mais qu’il canalisait les instincts primaires de l’homme pour les domestiquer doucement.
Pour certains Compagnons qui ne savaient pas tempérer leur ardeur spirituelle et qui ne dormaient plus afin de faire des prières surérogatoires, jeûnaient tous les jours et refusaient toute vie sexuelle, il dit :
« Je dors et je me réveille (pour prier), je jeûne et je me nourris, et j’épouse des femmes. Qui agira autrement ne sera pas des miens.»
Tout son enseignement se trouve être un rappel à une pratique du juste milieu et non une incitation à l’extrémisme comme le comprennent hélas certains musulmans actuels analphabètes en matière de foi.
Le caractère modéré de cet enseignement porte le nom de yousr dont découle le terme de tayssir. La traduction des termes arabes étant toujours difficile, il faudrait un alignement de trois ou quatre termes pour rendre et exprimer le sens juste du mot. Yousr voudrait dire tout à la fois, facilité, faisabilité, adéquation, accessibilité. Tayssir est l’action de rendre praticable, accessible, facile à faire. La Chari’â a toujours eu comme principe de base cette règle de tayssir.
Aïcha, épouse et âme sœur du Prophète, source inépuisable d’informations édifiantes sur la vie du Messager et sa méthode pédagogique, dit :
« Chaque fois que le Prophète avait à choisir entre deux options, il choisissait la plus accessible tant que ce n’était pas une transgression flagrante des recommandations de Dieu. »
Nadia Yassine
Extrait de :
Toutes voiles dehors