Palestine
Palestine, le projet
Pendant des siècles, les juifs cohabitèrent avec les musulmans sous l’aile protectrice du califat d’Espagne. Ce sont les historiens juifs mêmes qui reconnaissent et prouvent que l’âge d’or de leur peuple se situe géographiquement et historiquement en Espagne musulmane. A une époque où la race qui, selon la croyance chrétienne, a trahi et crucifié le Christ, est honnie et pourchassée comme ennemie déicide en Europe, en Espagne musulmane les juifs jouissaient du statut que l’islam garantit aux minorités, aux gens du Livre particulièrement ; les juifs et les chrétiens.
Frères dans le bonheur d’une civilisation prospère et tolérante pendant longtemps, les musulmans et les juifs d’Espagne succombèrent ensemble sous le joug répressif de la Reconquista et à l’impitoyable Inquisition qui brûlait vif et torturait sans distinction de confession. Dispersés après la reconquête espagnole, les juifs trouvèrent encore en Afrique du nord et au Machreq musulman un refuge et un sort supportables.
Comparée à la vie, ou plutôt à la survie qui était celle des juifs en Europe, houspillés et massacrés régulièrement lors des pogroms périodiques, celle des juifs en Afrique du nord et en Orient ressemblait à la belle vie, car ils jouissaient au moins de la sécurité absolue.
Le “sujet historique” juif s’éveilla en Europe au cours du dix-neuvième siècle, représenté par le mouvement sioniste activé par une idéologie laïque qui tourne le dos à la tradition talmudique et qui divorce d’avec l’image du juif errant à papillotes pour se présenter sous les traits modernes du banquier riche d’Allemagne ou du gentleman éduqué à Oxford.
Les Rotschild et les Hertzl étaient des laïques modernes en redingote et en cravate papillon ; juifs dans l’âme cependant et conscients du sort abominable des leurs qui menaient une vie misérable dans les ghettos de Varsovie et de Russie. Le hongrois Hertzl fonda le mouvement sioniste, facette juive de la modernité laïque, et conçut le projet ambitieux d’un Etat juif à construire quelque part dans le monde.
L’Europe avait besoin d’un bassin où faire écouler son trop-plein de juiverie : la gent juive est trop maligne, trop active, trop habile au négoce et donc trop gênante. Ses revendications, maintenant organisées, réclamaient aux Etats-nations européens en passe de se démocratiser, des droits et une place au soleil.
L’affaire Dreyfus en France illustre bien l’émergence du juif et les possibilités que lui offrait l’époque de se défendre contre l’injustice et d’ameuter une partie de l’opinion publique à l’aide d’une presse libre déjà infiltrée par la finance pro-juive et par une intelligentsia sémite.
Ce sentiment raciste de trop-plein trouva l’occasion de se défouler et de s’extérioriser ; l’opportunisme historique propre au pragmatisme de la politique britannique et impérialiste, accommoda à l’ambition sioniste un gîte en Palestine.
Après la première guerre mondiale, l’immigration des juifs en Palestine s’accéléra. Encouragé, voire ouvertement poussé par la promesse du gouvernement anglais, l’exode massif de la juiverie, notamment est-européenne, ne tarda pas à installer dans les territoires sous mandat britannique un Etat dans l’Etat. L’activité idéologique et mobilisatrice de l’Alliance Israélite cosmopolite fut alors vite supplantée par l’activisme politico-terroriste de la deuxième génération sioniste.
Pendant la deuxième guerre mondiale, les juifs rescapés du massacre se réfugiaient en Palestine. Le mythe de l’Exode, perpétué par un film technicolor, présente au monde apitoyé l’image du juif rescapé, victime de l’injustice inhumaine dont est responsable l’Europe nazifiée ou complice du nazisme.
La conscience déchirée et alourdie de remords d’une Europe sortie de la deuxième guerre mondiale représentait une aubaine pour le mouvement sioniste ; le filon est toujours exploité d’ailleurs. Les dirigeants sionistes dont la correspondance avec l’administration hitlérienne est avérée, retournèrent leur veste pour s’attaquer aux vainqueurs, les accusant de complicité tacite ou active dans le massacre des juifs et les culpabilisant.
La prise d’otage d’une conscience torturée fut menée de main de maître. L’Europe a désormais deux motifs d’asseoir un Etat juif en Palestine : l’évacuation de la turbulence juive et le payement d’une dette d’honneur.
Les Etats-Unis d’Amérique ont, quant à eux, trois raisons, différentes de celles de l’Europe et plus importantes l’une que l’autre, d’appuyer l’Etat sioniste à sa naissance et tout le temps depuis.
La première raison est d’ordre confessionnel : l’avènement du royaume de Sion est un dogme commun entre les juifs et les protestants grands lecteurs de la Bible juive.
La deuxième est que les pays arabes abritent les gisements de pétrole les plus importants qui soient et qu’il fallait un gardien sûr pour surveiller de près le trésor, le temps qu’une “tempête du désert” se prépare.
La raison économique et celle dogmatique sont concrétisées et confortées par une troisième raison, politique celle-là et en prise directe sur les événements : l’existence d’un lobby juif à Washington, soutenu et financé par six millions d’Américains juifs, riche, très puissant, actif et influent. L’aide européenne et américaine que l’Etat juif reçoit est diverse, sans compter la contribution d’une diaspora riche et ardemment sollicitée, le pacte américano-israélien de défense commune et le dédommagement européen se traduisent par un pipe-line ininterrompu d’assistance militaire, financière, technologique, diplomatique, sécuritaire et tout ce qu’on veut.
Palestine, l’épreuve
L’affaire de la Palestine est une série d’épreuves douloureuses, un chemin de souffrances jonché de paysages de désolation : désastre en 1948, fléau en 1956, catastrophe en 1967, calamité en 1973 et bien d’autres revers de fortune tout au long du chemin.
Les défaites arabes devant le petit Etat d’Israël ont mis à nu la mortelle dislocation des sociétés arabes et l’ineptie de leurs gouvernements. Elles ont révélé de bien douloureuses vérités : si ce n’est la traîtrise sans nom des hommes au pouvoir qui, en 1948, ont armé leurs soldats avec des fusils qui ne tiraient pas et des munitions avariées, c’est l’absence des généraux égyptiens, trop occupés à leur débauche pour riposter, lors de l’attaque-éclair israélienne en 1967.
Cette riposte ignorée par un état-major dépravé était peut-être la dernière chance pour l’Egypte de combattre d’égal à égal l’Etat sioniste, car l’oncle Sam allait bientôt faire des siennes. Lorsque l’armée égyptienne, en 1973, repentie avec ses chefs des mots d’ordre nationalistes, proclama son mot de ralliement “Allah Akbar” (Dieu est grand), l’Amérique, protectrice inconditionnelle de Sion, mit en branle un pont aérien à la mesure de sa puissance pour inonder le champ de bataille d’avions et de chars.
La protection de l’oncle Sam. était encore plus appuyée lorsqu’il opposait son veto au sein de l’Organisation des Nations-Unies aux décisions allant à l’encontre des désirs de l’Etat sioniste. Celui-ci, sûr de ses arrières, rejetait à la face du monde les lois votées comme vulgaires chiffons de papier.
Enfant gâté de l’Amérique protestante et fervente de mythologie biblique, l’Etat d’Israël et l’appareil formidable de sa propagande -presse, radios, stations de télévision surtout- en Amérique, gonflent à souhait les chiffres des victimes de Hitler et sortent du fonds biblique commun des notions mobilisatrices telles que Exode, Shoah.
Le slogan “terre sans peuple pour un peuple sans terre” présente la Palestine comme une terra nullus, terrain vague et héritage perdu et retrouvé du peuple élu.
“Terre promise” et récupérée, la Palestine n’est qu’une tête de pont pour une extension au “grand Israël” que les cartes sionistes publiées développent pour englober une grande partie de l’Orient arabe : Jordanie, Syrie, Iraq, Egypte. Israël agit, confiant et sûr de ses alliés. Son allié principal est le profond sentiment de culpabilité développé après le soi-disant Holocauste.
Le régime français de Vichy avait trempé, lors de la deuxième guerre mondiale, dans la persécution des juifs ; on persuada la France qu’elle avait une dette historique envers le peuple juif. Cette dette devait être réparée à tout prix quitte à écorner les principes démocratiques au nom desquels les droits de l’homme sont défendus.
Cette dette, ce sont les Arabes qui la payeront pour le rachat de l’Europe. Non seulement les terres arabes sont occupées et aménagées pour recevoir les juiveries appelées à la terre des ancêtres, mais le mythe même qui fonde la revendication juive est préservé de toute atteinte. La loi Gayssot-Fabius, votée en France et promulguée en 1990, sanctionne sévèrement toute critique du credo politique sioniste : par exemple mettre en doute l’existence ou l’étendue du “Holocauste” est un délit et le dubitateur est poursuivi en justice.
Ainsi grâce à la propagande juive, Hitler, l’ennemi du genre humain et l’instigateur d’une guerre qui fit cinquante millions de victimes dont vingt millions de Soviétiques, passera dans l’histoire comme le bourreau des seuls juifs. A Tel-Aviv et à Jérusalem, on rabat doucement les chiffres des victimes pour être crédible ; des six millions longtemps chantés et lamentés on retient quatre millions que l’on rogne un peu plus pour les ramener à un million et demi : ce chiffre a été dernièrement et officiellement gravé sur les stèles commémoratives.
Gonfler les chiffres des victimes n’ajoute rien à l’horreur du carnage hitlérien ; une seule victime innocente, juive ou non, est de trop selon nos convictions islamiques profondes.
L’enfant chéri de l’Amérique est aussi un enfant chéri de Hollywood : les fonds juifs de la production cinématographique et les talents juifs du réalisateur se conjuguent pour honorer un Shindler mythique, faisant la sourde oreille aux protestations de sa veuve qui dénonce la falsification des faits.
Servie par d’aussi prestigieux avocats, la cause juive est omniprésente dans la conscience du monde pendant que d’autres causes s’en effacent à jamais. Nulle part ne s’élèvent des plaques pour pleurer les soixante millions de Peaux-Rouges exterminés par l’homme blanc, protestant et pionnier américain. Nulle stèle ne commémore le souvenir des cent millions de noirs africains morts parqués dans les cales des bateaux négriers. Les champs de coton en Amérique ne recevaient de ce bétail humain qu’un sur dix, neuf passaient de vie à trépas lors de leur capture ou enchaînés et entassés pour la croisière de plaisance. Qui pense encore à ceux-là ? Seul l’Etat juif accapare les attentions et les mémoires !
Que cette image de martyr, que les juifs tiennent à promouvoir et à exploiter, ne nous détourne pas du projet sioniste et ne nous empêche pas de cerner quelques traits de caractère et quelques antécédents des protecteurs de l’Etat sioniste.
Protégés et protecteurs demandent l’impossible. Ils ont l’audace et l’inconscience historique d’œuvrer pour que sept millions de juifs -projetés pour un avenir incertain- occupent les terres et l’économie de trois cent millions d’Arabes -bientôt réels et épaulés par un milliard et demi de musulmans- bientôt conscients de l’enjeu palestinien et toujours susceptibles de répondre à l’appel de leurs frères !
Lorsqu’on demande l’impossible, qu’on le voit hors d’atteinte et qu’on possède un arsenal nucléaire, la tentation deviendra un jour irrésistible de s’en servir. L’humanité s’éveillera-t-elle un jour pour entendre la nouvelle d’un Hiroshima nouveau dans quelque capitale arabe ?
La menace ne semble pas si incertaine à en juger par la morgue, l’irresponsabilité et le peu de maturité du chef actuel du gouvernement sioniste (Nétaniahu). A prendre en considération le dogme juif comme quoi les “gentils” -c’est-à-dire les non-juifs- sont bons à exploiter, soit financièrement par l’usure, soit de toute autre manière, l’agression nucléaire ne serait pas à exclure. Les “gentils”, selon l’interprétation extrémiste de la Bible juive, peuvent être et doivent être exterminés s’ils font barrage aux projets du peuple élu. L’arme nucléaire est ce qui se fit de mieux comme moyen d’extermination.
Le cauchemar n’est pas à exclure quand on pense qu’en cette fin du mois d’octobre 1997, le chef de l’Etat juif provoqua une tempête populaire lorsqu’il mit en doute certains passages de la Bible menaçant les ennemis d’Israël d’extermination et que la droite extrémiste religieuse au pouvoir, dont l’idéologie repose sur de tels passages interprétés comme justification de l’expansionnisme insatiable d’Israël, cria au scandale.
L’existence de l’Etat artificiel menaçant est, quant à elle, menacée d’auto-destruction à cause de sa constitution faite d’un ramassis de peuplades hétérogènes[1] ; le lourd fardeau de son arsenal de bombes nucléaires qu’une saute d’humeur d’un chef paranoïaque ou l’auto-excitation d’un état-major militaire mettant le gouvernement en demeure d’agir pourraient activer un jour, concourt au malaise interne et à notre inquiétude.
L’Etat qui se maintient depuis cinquante ans, soutenu par ses amis occidentaux, est travaillé de l’intérieur par une dynamique centrifuge réelle. La démocratie de façade qui a opéré jusqu’ici ne peut indéfiniment jouer le rôle de ciment de l’édifice : l’édifice s’écroulera tôt ou tard.
Cependant, il ne faut pas rêver que votre agresseur tombera de lui-même, terrassé par quelque magie invisible. Il ne faut pas rêver ! Il faut comprendre et agir ! Il faut comprendre l’histoire et se préparer à la promesse sous condition que nous fait Dieu dans le Coran.
Il est dit dans le Coran[2] ceci : “Ne vous affligez pas (ô musulmans), ne vous laissez pas abattre. Vous êtes les plus hauts tant que vous avez la foi. Si une blessure vous affaiblit, blessure pareille affaiblit l’ennemi. Les jours (d’ascension et de décadence), Nous les faisons alterner entre les peuples afin que Dieu reconnaisse les fidèles (à leur comportement) et qu’Il choisisse parmi vous des martyrs. Dieu n’aime pas les injustes”.
Ces versets ont été révélés après la défaite des musulmans à Ohoud, mais le Coran n’est pas un compte-rendu d’événements limités dans le temps, il est la Parole vivante de Dieu, il est enseignement valable pour tous les “jours”, promesse d’une alternance et d’une ascension après la décadence.
Ainsi, le royaume de Jérusalem fondé par les Croisés dura deux siècles. Les Francs en furent chassés après. Le régime féodal de l’ancien royaume de Jérusalem, bien qu’inique et inhumain, paraissait stable. Bien que sous ce régime esclavagiste et cruel les terres se vendaient ou s’héritaient avec les serfs soumis à la cravache, il paraissait exister pour durer éternellement.
La démocratie moderne libératrice s’est avérée être, en Israël, un système d’assujettissement d’un peuple. Elle ne durera pas éternellement, elle est là pour quelque temps, elle est là pour notre épreuve, pour l’épreuve des Arabes et des musulmans. Le royaume croisé ancien fut culbuté par une société musulmane rassemblée autour d’un sultan unificateur. Saladin le Kurde rassembla derrière lui Arabes et non-Arabes.
Aujourd’hui, pour notre Epreuve, tout cela semble très loin ; aujourd’hui, les guerres ethniques entre musulmans sont une plaie béante, une déchirure, une furie fratricide. Les musulmans sont vaincus et asservis en tant que petites entités, et parce qu’ils ne sont que cela : Afghans, Turcs, Arabes, Berbéres, ..etc…
Israël l’Epreuve restera là pour quelque temps jusqu’à ce que le milliard et demi de musulmans, quantité éparpillée, prenne conscience de son identité véritable. L’Epreuve (pour que Dieu reconnaisse les fidèles et les distingue de ceux qui ne le sont pas) est une notion centrale en islam et à laquelle nous reviendrons, si Dieu le veut.
La promesse de Dieu explicite dans le Saint Livre est subordonnée à quelques conditions : foi, dispositions politiques et sociales, résistance et martyrs, préparation de longue haleine jusqu’au “jour” de l’alternance. La victoire se mérite !
Sur le plan du défi historique et de la psychologie des peuples, le phénomène de l’alternance des civilisations peut être observé par un historien attentif comme le Britannique Toynbee.
La décadence et la déliquescence de la civilisation occidentale moderne est difficile à admettre cependant pour qui est obnubilé par tant de force, tant d’opulence et tant de capacité à exploiter et à dompter la nature (en la détruisant). Mais qui lit dans la psychologie de l’homme moderne -dans celle du juif sioniste par exemple- découvre les signes irréfutables d’une décadence certaine et inévitable.
Soit, mais le musulman n’est pas en meilleure posture. A l’affaissement moral, il ajoute la misère matérielle, le sous-développement, l’injustice sociale, le démembrement politique et la liste est longue.
L’observation de la contingence historique et de la psychologie des peuples donne les musulmans pour candidats hautement improbables à un rôle honorable sur la scène mondiale, et la théorie cyclique de Toynbee pour une idée en l’air.
Laissons les historiens à leurs froids examens des conjonctures et passons en revue l’histoire des Prophètes de Dieu rapportée dans le Coran : chaque fois qu’une cité injuste atteint le zénith de sa puissance et qu’elle se rebelle contre Dieu, elle est maudite et frappée pour laisser la place à d’autres plus justes et moins perverties : tel fut le sort de Ad, peuple du Prophète Houd, de Thamoud, peuple de Salih, de Pharaon, ennemi de Moïse, et de bien d’autres. Les méprisés et les éprouvés d’hier sont les promis à la victoire de demain certes, mais il serait faux de penser que notre foi est compatible avec l’attente contemplative et le quiétisme confiant. La victoire, don de Dieu, se mérite ; on ne le répétera jamais assez !
Extrait du livre : « Islamiser la modernité », pages 109-118.
[1] Les séfarades, juifs immigrés des pays arabes, sont traités, comme les Arabes citoyens d’Israël, avec mépris. Grugés de leurs droits, ils ruminent leur rancœur contre les ashkénazes originaires d’Europe et minoritaires, mais seuls maîtres de l’Etat sioniste. On entendra beaucoup parler des dissensions entre les citoyens-maîtres et les citoyens-esclaves au statut trompeur.
[2] Sourate âl imran, versets 139-140.