Justice et injustices
Une nation peu sûre d’elle-même, chancelante sur ses fondements, enlisée dans ses contradictions, ne peut affronter les combats décisifs. Seul le volontarisme collectif et une mobilisation de toutes nos forces pour faire front aux forces déchaînées du marché mondial peuvent nous sauver. Une mobilisation islamique de toutes nos forces est notre dernier ressort, le dernier carré d’où nous puissions réorganiser notre défense et entreprendre une sortie du piège dont l’Internationale de l’argent, conduite par une Amérique arrogante, n’a pas fini de resserrer l’étau.
Le guet-apens économique où nous sommes déjà tombés et le darwinisme social qui en est le fruit amer chez nous attentent et attenteront plus encore à notre vie et menacent non pas une paix sociale d’ailleurs précaire, mais notre survie même comme nation. Nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie et notre faiblesse n’est pas congénitale, à preuve une histoire millénaire. Mais la règle divine de “l’alternance des jours” ainsi que la logique des choses ne feront pas exception pour nous.
Tant que nous enfreignons la Loi coranique en faisant infraction aux lois divines qui régissent la progression de l’humanité, nous resterons désespérément les cancres de la classe et les laissés-pour-compte de la compétition enragée que ne cache plus “la face suave du capitalisme”. Notre maladie se manifeste par les symptômes du sous-développement, de la mauvaise répartition des biens et des services, des injustices de toute sorte et de tout genre et de la corruption généralisée, froidement admise comme mode de gouvernement.
Ces symptômes gravissimes en eux-mêmes ne doivent pas nous cacher la source du mal. Les petites tricheries, telles qu’une réformette constitutionnelle par-ci, une petite loi électorale par-là, aussitôt formulée que trompée, ne peuvent nous tirer du gouffre. Notre maladie est guérissable seulement si nous nous attaquons au virus pour que les symptômes disparaissent. Il y a moyen de remonter du gouffre à condition de savoir neutraliser les forces qui nous tirent vers le bas. Notre guérison et notre remontée dépendent de la confiance que nous pourrons placer en Dieu et en nos valeurs.
Quelle chance peut avoir un unijambiste, sautillant sur une jambe de bois, de gagner une course des cent mètres ? Notre jambe de bois vermoulue est le système de lois profanes que les gestionnaires de nos sociétés sont en plus les premiers à transgresser. La gangrène atteint le corps entier : les valeurs égoïstes des laïques sceptiques à la tête de nos institutions et les lois sans foi importées sont une double ruine pour nos sociétés.
Un retour à Dieu, un pacte entre les composantes de nos sociétés dont Dieu serait pris pour Témoin et Garant permettra l’éclosion et l’épanouissement des vertus morales et sociales dévalorisées et démonétisées aujourd’hui : l’intégrité, la solidarité, la confiance, l’honnêteté, le travail bien fait, la parole donnée, la justice.
La justice et le droit garanti de chacun sont les deux conditions de stabilité sociale dans un Etat de droit. La communauté de foi doit garantir le minimum vital d’équité pour que nul ne soit lésé, et pour que tout un chacun puisse participer à l’effort commun, sachant qu’il est en sécurité. Les injustices exercées sur nous de l’extérieur ne sont que le juste châtiment que méritent les injustices que nous exerçons sur nous-mêmes.
Seule la foi en Dieu et le respect de Sa Loi qui en est un impératif solennel peuvent revigorer notre volonté et affermir nos pas. La foi en Dieu -Glorifié soit Son Nom- est inséparable du respect de Sa Loi. Ces deux liens sacrés, qu’une éducation et une fréquentation de la mosquée réinstaureront, réunifieront nos rangs dans la confiance et la solidarité retrouvées. La confiance en Dieu et en Sa Promesse épaulera nos efforts et guidera notre marche. Sûrs de notre Garant et réconciliés entre nous, la Parole divine nous empêchera de reculer et de battre en retraite devant les grands fléaux modernes, telle la mondialisation.
Nous lisons la Promesse de Dieu dans la sourate an nour :[1]
“Dieu a promis à ceux d’entre vous qui ont la foi et qui effectuent la bonne œuvre, qu’Il fera d’eux Ses lieutenants sur la terre, comme Il l’a fait de leur devanciers, qu’Il consolidera leur foi que pour eux Il a agréée, qu’Il substituera à leur peur l’assurance et la sécurité, à condition toutefois qu’ils M’adorent, sans M’associer d’autres divinités. Après (cette promesse) ceux qui s’avèrent mécréants, ceux-là sont des scélérats”.
Il est donc question de foi, de fidélité à l’Unique, d’adoration, de peur dissipée, d’assurance et de sécurité. La Promesse est faite sous condition, et la condition est claire.
Plus explicites sont les recommandations faites aux fidèles attachés à Dieu par leur serment de fidélité et dont la justice est la première clause de ce serment. La sourate an nahl comporte l’ordre et le conseil d’une morale sociale complète faisant partie intégrante de l’adoration requise des fidèles. Le laïcisme qui veut que ce qui relève de la sphère sociale n’ait rien à voir avec la religion ne peut être mieux démenti que par ces deux versets : “Dieu ordonne la justice, la bonne œuvre, la générosité envers les proches. Il proscrit la turpitude, les actes répréhensibles, la démesure. Il vous exhorte et vous conseille afin que vous réfléchissiez. Soyez fidèles au pacte contracté avec Dieu et ne violez pas vos serments après les avoir solennellement prêtés et après avoir appelé Dieu comme Garant de votre bonne foi. Dieu connaît vos agissements”.[2]
Forts d’un pacte contracté solennellement et ayant Dieu pour Témoin et Garant, nous pourrons nous atteler à la difficile tâche de redresser les torts faits à une partie importante du peuple. La mise sur pied d’une nouvelle constitution rédigée par une assemblée élue et le remaniement des institutions existantes dans le sens de plus de probité, plus d’intégrité, plus de justice permettra d’initier une nouvelle dynamique et de régler les questions d’ordre culturel, social, politique, économique et civilisationnel, longtemps pendantes. On ne peut rien construire de solide si l’on bâtit sur le vide du porte-à-faux. On ne peut qu’être des copies pâles des autres, sans consistance et sans âme, si l’on persiste à importer les idées et les valeurs des autres sans discernement.
Extrait du livre : « Islamiser la modernité », pages 249-252.