Islamiser la modernité

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Dans ce livre de 334 pages publié  en 1998, Abdessalam YASSINE traite en profondeur la question tant évoquée par de nombreux penseurs des rapports entre l’Islam et la modernité. Tout au long des 9 chapitres de l’ouvrage, il expose sa vision des choses et trace les lignes de démarcation comme des zones de rencontre entre les deux crédos.

Tout d’abord, il définit la modernité pour la distinguer du modernisme, érigé par ses adeptes en religion de l’ère contemporaine. Il expose ensuite ses traits dominants, notamment son capitalisme sauvage qui engloutit impitoyablement des économies entières et une violence armée justifiée par la loi du plus fort. Enfin, il scrute l’horizon de cette ère qualifiée désormais de post – moderne et entrevoit une prédominance, démographique au moins, des musulmans dans le monde.

Dans un deuxième temps, Abdessalam YASSINE analyse le concept « Laïcité » qui, pour lui, est le cœur de la modernité française comme elle est une des formes de l’intolérance militante en France. Il en trace le parcours historique depuis l’ère des croisades militaires du Moyen-Age jusqu’à celles menées par cette France laïque moderne en terre d’Islam. Erigé en sainte, elle ne cesse de se proclamer comme seule alternative aux pouvoirs de droit divin dont les atrocités sont sans cesse rappelées au souvenir des nouveaux adeptes.

Aujourd’hui, la campagne menée contre l’Islam, sous prétexte de combattre l’islamisme se prolonge et  gagne en violence. Dans le même ordre d’idées, Abdessalam YASSINE consacre deux chapitres à deux exemples de l’histoire moderne qui illustrent cette hargne ressentie envers l’Islam.

D’abord, celui de l’Algérie qui fut soumise pendant 130 années aux diverses manœuvres de destruction systématique de l’édifice moral et identitaire de son peuple. Malgré les résistances farouches des premiers Moudjahiddines et le combat pacifiste et culturel mené un siècle plus tard par les Oulémas, le processus de transformation du peuple algérien par la zizanie et la création de l’intérieur de blocs antagonistes se perpétua bien après l’indépendance usurpée. Après le coup d’état du début 1992, une décade rouge démarra où près d’une centaine de milliers d’algériens trouvèrent la mort, sans parler des torturés, des internés et des disparus.

Un autre chapitre a été consacré à la Palestine, visée d’abord par le projet sioniste pour accueillir un peuple mythique sans terre sur une terre fictive sans peuple. L’expulsion en masse de populations entières puis l’érosion impitoyable de toute vélléité de résistance devra pour le « peuple élu» préparer l’avènement du règne d’Israël  sur le monde. Arrogance et cruauté sont l’apanage de ceux qui s’autoproclament fils préférés de Dieu. La Bible qu’ils façonnèrent pendant de longs siècles est parsemée de récits qui glorifient les génocides perpétrés par leurs soi-disant prophètes. Et  la Palestine devient de nos jours le champ contemporain de la préparation du règne éternel des fils d’Israël.

Des leçons tirées de l’histoire récente de la modernité pour comprendre et concevoir un avenir non-entaché des plaies du passé et du présent. Or, ce passé récent et ce présent en mutation accélérée sont régies par une logique générée par la raison occidentale hégémonique.

Au niveau du savoir, le postulat bestial imposé comme crédo par des évolutionnistes tout puissants coupe l’être humain de sa raison première : adorer Dieu par le bien-faire. Et une seule loi régit les affaires des individus comme de peuples et de sociétés entières : celle de la sélection naturelle par la loi du plus fort. A cette raison auto-suffisante, Abdessalam YASSINE oppose la primauté de la révélation, seule apte à outiller l’homme pour accomplir sa tâche sur terre. Il s’agit en fait de réintégrer le sens de la vie, en corrigeant sa copie par un retour vers cette innéité essentielle à l’être humain véridique, dans le corps de la modernité. De ce fait, la conciliation sinon l’inoculation de l’esprit humaniste véridique dans le corps de la modernité devient possible.

Trois autres chapitres sont consacrés par Abdessalam YASSINE aux questions de l’Etre, de l’Avoir et du Pouvoir dont l’option moderniste imposée à l’Humanité entière conduit cette dernière vers l’impasse. Une option qui, malgré la pluralité de ses versions, est dominée par le matérialisme du capitalisme sauvage et sa façade libérale qui prône une démocratie salvatrice pour tous les peuples. Une option derrière laquelle se cachent un égoïsme et une cupidité indescriptibles des oppresseurs vis-à-vis des opprimés. A l’ignorance de Dieu s’ajoute la violence impitoyable d’une minorité de nantis exercée sur une majorité menée à coups de matraquage médiatique ou à coups de canons.

Des principes directeurs qui régissent la conception que l’Homme moderne a de lui-même et de ses rapports à l’autre. Son existence est facteur de sa capacité  à s’imposer par la soumission parfois même l’écrasement de l’autre.

Des principes fondateurs aussi de la conception qu’il a  de l’Avoir. Pour lui, il s’agit « d’user et d’abuser» des biens qu’il a réussi à acquérir par ses propres moyens. Il n’a donc de compte à  rendre à personne, n’étant plus ce vicaire chargé par son Créateur d’user de ces avoirs pour le bien de ses confrères.

Des principes enfin dominant le champ politique actuel puisque le pouvoir est soumis aux mêmes diktats. La finalité est en fait de s’imposer selon une logique du culte de la personne aux dépens du bien- être des autres. Le pouvoir n’est donc plus un instrument confié aux hommes pour gérer l’affaire  publique et les relations internationales à seule fin de garantir la paix entre les humains et leur prospérité. Le but ultime étant de leur assurer un environnement apte à les laisser œuvrer pour leur salut final. Bref, le constat fait par l’auteur sur l’échec de l’action moderniste est flagrant. L’humanité entière est dans l’attente d’une option salvatrice qui ne peut être que celle de l’islam authentique. Un Islam qui prône les valeurs de la fraternité  humaine et dont la non-violence  est le premier instrument apte à amener le changement des âmes et des mentalités avant celui des comportements.

Extrait du livre : « Sur les écrits de l’Imam Abdessalam YASSINE », traduit de l’arabe par : Jaouad MUFTISADA

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