Mémorandum à qui de Droit

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Lettre adressée le 14 Novembre 1999 au nouveau roi du Maroc Mohamed VI, elle eu pour vocation première de lui exposer en 35 pages la situation effective du pays et de lui proposer la voie du salut pour son peuple.

Le titre à lui seule évoque la mission du manuscrit : rappeler succinctement au jeune monarque les grands traits de l’ère de son père et la mission qui lui incombe après son avènement au trône pour conduire le pays dans la voie du progrès réel.

Pour se faire, Abdessalam YASSINE dresse le bilan d’une ère révolue en apparence avec l’enterrement d’un père qui avait régné par le feu et le sang. Une époque de plomb caractérisé par la répression policière et où la main lourde des tortionnaires de Tazmamart et l’hypocrisie d’une démocratie de façade se faisaient voir et sentir.

Il s’agit en fait d’un « héritage très lourd » que traquent les statistiques alarmantes publiées par les instances internationales. Les nations-unies classant les pays de globe selon leur indice de développement humain placent le Maroc à la 125ème place derrière des pays voisins comme la Tunisie et l’Algérie.12 Millions de marocains vivent en deçà du seuil de la pauvreté avec moins de 10 dirhams par jours. Près des trois quarts des Marocains gagnent moins que le SMIC marocain, c’est-à-dire mille-six-cents dirhams par mois.

Le bidonville tend à être l’habitat accepté par un grand nombre de marocains. Le rapport des salaires varie de 1 à 1000, alors qu’en Europe, il n’est que de 1 à 10 et moins. 23 % de jeunes marocains sont en chômage dévoilé ou déguisé et une large tranche s’adonne à la drogue pour fuir sa réalité ou joue sa vie sur les embarcations de l’émigration clandestine. Plus de 100.000 diplômés du supérieur, médecins, ingénieurs, professeurs, techniciens qualifiés sont jetés sur la voie de l’inactivité et de la non-reconnaissance. 53 % des Marocains sont analphabètes.

Ceci dit, la corruption est devenue un mode de gouvernance, l’appareil judicaire est vénal, la lenteur bureaucratique sabote le processus d’investissement et empêche tout effort contribuant à l’’essor économique tant rêvé.

Si l’on rajoute à ces constats la dépendance des provinces du nord de la culture du Cannabis et le pillage systématique des richesse locales par les autorités marocaines et la mainmise de l’omnium Nord- Africain sur les richesses du pays, la toile d fond de l’avènement du Mohamed VI au pouvoir ne peut être que des plus sombres.

Partant, Abdessalam YASSINE souligne de prime abord que le nouveau Roi n’est guère responsable de cet état de fait, étant lui-même victime l’ère précédente. Mais il ne s’abstient pas de le mettre en garde contre l’euphorie générée et diffusée par l’état-spectacle en mettant sur scène l’image d’un jeune monarque « de belle prestance, tout sourire et qui n’économise pas les gestes bienveillants en réponse à l’accueil chaleureux de son public ». La campagne montée de toute pièce et orchestrée par le vieux makhzen ne peut conjurer le mal-être marocain.

La jeunesse qui acclame le nouveau roi ne croit plus à la classe politique complice de l’ancien, ni à l’islam affiché du système, ni à la démocratie hassanienne masquant un despotisme impitoyable.

Ni la foi du patriotisme médiatisé, ni la culture de l’aumône publique ne peuvent éradiquer le mal si une rupture totale avec le passé n’est pas opérée. Des « actions marginales improvisées coup par coups demeurant vaines.

Et Abdessalam YASSINE de proposer du nouveau roi la seule alternative apte à faire sortir le pays de son marasme. Après avoir rappelé que le poids de la dette extérieure pèse lourdement sur le budget et empêche toute tentative de redressement, il signale que le jeune roi et les princesses ont hérité de leur père une fortune très difficile à convertir en chiffres. Il propose de ce fait d’« affecter cette grande fortune au payement et à l’effacement de cette lourde dette ».

Loin d’être une « utopie chimérique », cette solution, très difficile à mettre en pratique puisque les résistances tant extérieures qu’intérieures ne se feront guère tarder, est la seule alternative au naufrage inévitable du pays. Elle initiera de ce fait le redémarrage de l’investissement public, le désenclavement social et géographique des zones défavorisées et la résorption du chômage. Gagnant de ce fait en notoriété et jouissant d’une autorité indiscutable tant morale que politique, le jeune roi pourra alors s’attaquer à la corruption et à l’immoralité régnante.

Extrait du livre : « Sur les écrits de l’Imam Abdessalam YASSINE », traduit de l’arabe par : Jaouad MUFTISADA

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