Mourowa: « vertus humaines »

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MOUROWA: « vertus humaines »

Le Prophète dit à ses Compagnons, après un combat armé contre l’ennemi extérieur : «Nous revenons du combat mineur pour nous consacrer au combat majeur.» Ce combat majeur, c’est celui que nous pouvons nous livrer à nous-mêmes pour nous gouverner et nous rendre moralement et spirituellement meilleurs.

Un jour, les Compagnons demandèrent au Prophète quels sont, humainement, les meilleurs d’entre eux. Il donne cette réponse laconique qui nous offre matière à réfléchir et à méditer : « Les meilleurs parmi vous du temps de la jahiliya sont devenus les meilleurs en Islam. »

Cela veut dire que les dispositions naturelles d’ordre caractériel, moral et d’intelligence ne sont l’apanage ni des jahiliyens ni des islamiques et que ces dispositions constituent le substrat humain à partir duquel la personnalité islamique est construite. Cela veut dire qu’entre jahiliyens et islamiques, il y a ceci de commun : la nature humaine dans la diversité des dons qui transgressent les frontières religieuses. La vision polarisée a tendance à attribuer toutes les vertus d’un côté et toutes les tares de l’autre. C’est une vision idéologique qui débouche sur une pratique de lutte et non de combat.

Le mot mourowa est un terme arabe riche de significations. Il qualifie l’ensemble des vertus humaines : courage, générosité, droiture. Il est toutefois sans connotation spirituelle. Je le traduirai par « vertus humaines » ou «
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sentiment humain » pour mettre en lumière ce qui nous fait semblables aux jahiliyens et pour rappeler que le tissu humain dont nous sommes tous faits est le même.

Il est donc possible qu’un individu musulman soit moins intelligent, moins scrupuleux, moins actif qu’un jahiliyen. C’est une question de caractère et de disposition naturelle, la religion n’a rien à y voir sinon dans le cas où elle devient idéologie donc opium du peuple. Il est donc possible qu’une société non islamique puisse être économiquement, socialement et techniquement plus puissante qu’une société musulmane qui a perdu tout ressort. L’Islam n’est pas responsable du désordre et de la dégringolade historique ; c’est la même loi historique qui gouverne toutes les sociétés humaines.

Le peuple islamique n’échappe pas à la condition humaine ; il n’est pas et n’a jamais été en dehors de l’histoire. Quand nous descendons au niveau humain, nous sommes à égalité avec tous les peuples. Si notre motif d’agir ne dépasse pas le sentiment nationaliste et l’esprit de concurrence habituel à toute société humaine, la dialectique jouera ou non en notre faveur selon que notre sentiment et l’esprit de lutte qui nous anime est plus ou moins fort que ceux de l’adversaire. Selon que les moyens matériels dont nous disposons sont ou non à la hauteur de la situation.

L’équilibre des forces, humaines et matérielles, obéit alors aux mêmes lois dans toute confrontation. Ce n’est que lorsque les islamiques livrent combat, sous l’étendant du jihad après éducation, après l’apprentissage du combat majeur, que la force morale et spirituelle des fidèles emporte la partie, avec toutefois un minimum de moyens matériels.

Cette loi qui donne le rôle décisif aux motivations élevées des fidèles en activité de combat est une loi historique. Elle se retrouve au niveau humain où les troupes luttant pour faire triompher une cause l’emportent sur les mercenaires. Les historiens ne s’étonnent du « miracle de l’Islam » que parce qu’ils ignorent la loi du jihad. Nous autres musulmans, j’entends le peuple fidèle et abandonné à ses superstitions, attendons le miracle du renouveau par le truchement d’une descente et d’une action miraculeuse du Mahdi (1). C’est le refuge « mystique » où sont évacuées les aspirations du peuple et que la tradition de léthargie entretient.


(1) La venue du Mahdi à la fin des temps est annoncée par le Prophète. Cette annonce est authentifiée chez les sunnites sans désignation de personne. Pour les chiites, le Mahdi est un personnage historique connu. Les dirigeants du désordre qui nous gouvernent utilisent les divergences à ce sujet dans leur guerre idéologique contre la révolution islamique en Iran. Je parle ici des superstitions populaires millénaristes et quiétistes.

La Révolution à l’heure de l’Islam, P 25-26.

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