Appel et volonté

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APPEL ET VOLONTE

L’homme a été créé dans la misère de son double conditionnement : psychique intérieur et socio-économico-politique ambiant. La pente à surmonter résulte de la conformation des deux genres de difficultés en une seule, entendue comme lieu d’épreuve. Plongé dans ses préoccupations quotidiennes à la poursuite des moyens pour satisfaire ses besoins vitaux, ensuite ses désirs de possession et de dominance, l’homme ne sait pas pour quelle raison il est là et souvent ne veut pas le savoir. Livré à lui-même, il ne peut découvrir les vérités fondamentales concernant le sens de sa vie et son destin après la mort.

Les explications que la raison philosophique et scientifique échafaude concernant les origines de l’homme, les mystères de l’univers et de l’âme humaine, restent superficielles et circonscrites dans cette zone de connaissance discursive qui affecte la raison mais ne persuade pas le cœur. La raison est une capacité innée dans l’homme, variable d’un individu à l’autre. Le cœur aussi est une capacité innée et variable quant à son aptitude à recevoir l’appel à Dieu.

Innéité est le mot par lequel je traduis la notion coranique de fitra. Il faut entendre par fitra l’état premier d’intégrité de l’homme dans ses deux capacités de raison, instrument d’investigation du réel extérieur, et du cœur, récipient de sentiment, miroir de vérité. Cette vérité, révélée à notre père Adam, est transmise à l’homme à travers le même canal d’hérédité par lequel il reçoit la vie. L’innéité est l’état d’intégrité première que l’érosion au contact du monde plein d’exigences et de facteurs de corruptions altère. Les Prophètes de Dieu ont relancé à leur époque cet appel adamique oublié ou déformé de génération en génération. Le Prophète dernier, Mohammed que Dieu répande sur lui Sa bénédiction, a apporté à l’humanité, pour la durée de la vie humaine sur cette terre, le message définitif de libération correspondant aux aspirations de l’innéité de l’homme. Le Prophète, et après lui ses héritiers qui hissent ses couleurs et combattent pour libérer l’homme, lancent l’appel à Dieu et lisent à l’intention des hommes le Livre qui contient :

1° La Loi, cadre juridique où se règlent les rapports de chaque personne avec Dieu et avec la société.

2° Le système de valeurs que doivent incarner les fidèles totalement attachés à la Loi et aspirant tous à Dieu, marchant solidairement vers le sommet.

3° L’Appel à l’accomplissement spirituel, appel auquel restent sourds les cœurs détournés de l’innéité par l’éducation et les influences des sociétés déchues, oublieuses du message adamique renouvelé, athées ou professant des religions déformées.

Que faut-il pour que l’homme, victime des déformations du milieu qui affaiblissent ou oblitèrent son innéité, retrouve la volonté d’échapper aux conditionnements qui le tiennent captif et misérable ?

1) D’abord le loisir d’entendre l’Appel que parasite à son entendement l’état d’arriération où vivent les musulmans et de prendre contact avec le groupe vivant des fidèles rayonnant leur foi et aptes à se pencher sur l’homme pour écouter ses doléances et panser ses blessures.

2) L’existence d’un Etat fort ayant pour mission de favoriser le déploiement des virtualités de l’homme et se prêtant au rôle organique du bras fort qui entoure le corps social de sa protection.

3) L’existence de conditions favorables à l’exercice des volontés individuelles arrachées à l’érosion qui les dénature. Condition que doit créer la collaboration de l’Appel et de l’Etat. Il faudra que, à côté des institutions d’Etat, il y ait des institutions d’Appel.

Pour libérer l’individu des contraintes matérielles qui absorbent son temps et hantent sa vie quotidienne, il faut une répartition du travail et une organisation de l’Economie. La technologie doit servir cette libération du temps et des besoins pour dégager des loisirs apaisés que l’homme doit pouvoir consacrer à son amélioration intérieure au lieu de se dilapider en agitation inutile et en fin de compte destructrice de sens. Le modèle occidental de civilisation industrielle et postindustrielle étale le loisir-pour-s ’amuser comme une conquête. Il est à noter que ce loisir n’est peuplé que de déplacements de plus en plus problématiques, de précipitations sur des plages de plus en plus polluées, de consommation blasée, d’une culture qui traduit la violence ignorante et la sème dans les mœurs de plus en plus déréglées.

La technologie, qu’il faut conquérir de haute main et apprivoiser, doit servir la société islamique à se construire en amplifiant l’effort des hommes sans échapper à leur contrôle, sans les amener à suivre le penchant morbide du consommationnisme. Les capacités intellectuelles et de cœur de chaque individu selon son potentiel doivent être éveillées, développées et confortées dans l’exercice collectif de l’action volontaire de salvation.

Il faut que les moyens d’information diffusent une culture d’Appel, une culture qui ne viole pas la conscience individuelle en la maintenant et en l’enfonçant dans la dissipation et dans l’oubli de la mort et du sens. Au fond de cette conscience repose, ensevelie sous le fatras d’une éducation matérialiste, l’innéité capable de reconnaître Dieu, construite pour le reconnaître et se soumettre à Sa Loi. Dans chaque homme dorment la faculté de s’étonner du miracle de la vie, la volonté contrariée de découvrir le sens de notre existence. Dans la société islamique, il faut donner le temps à chaque homme d’entendre l’Appel, d’approfondir sa relation à Dieu pour que sa volonté ne dérive plus à la recherche du bonheur matériel qui n’est qu’un leurre, mais pour que cette volonté s’engage sur la voie de l’effort, du combat, du jihad à l’unisson avec ses frères, fonçant ensemble vers le sommet à la recherche et à la rencontre de Dieu.

La Révolution à l’heure de l’Islam, P 69-71.

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